Championnat de France d’agility 2016 – Reportage

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Thionville : Capitale des obstacles surmontables

Une semaine après le championnat de France des chiens de race à Metz, l’Association Territoriale Canine de Lorraine organisait le championnat de France d’Agility, cette fois à Thionville, les 11 et 12 juin 2016. Le cadre était magnifique, un stade couvert d’un gazon d’une qualité supérieure à celui de certains terrains qui accueillent l’Euro de football, des tribunes entièrement couvertes, un grand parking pouvant loger les 120 camping-cars des agilitistes, une salle pour les repas, des stands de restauration et de boissons, et une équipe dont la bonne volonté et l’efficacité ont été soulignées par tous les protagonistes de cet événement exceptionnel.

Au sommet de cette organisation, on trouve Jean-Denis Devins, le président de la commission régionale d’éducation et d’activités cynophiles : « Nous avons une équipe d’une bonne vingtaine de clubs, avec soixante personnes. La Régionale s’est impliquée et la commune nous a prêté ce magnifique stade. On a créé un comité, on a fait appel à des clubs et certains viennent de très loin, plus de 100 kilomètres. Il a fallu trouver du matériel, des barnums, demander des autorisations administratives. C’est un travail étalé sur un an ».

Les bénévoles étaient répartis en deux équipes. Celle qui a géré le terrain, 45 personnes réparties sur les trois parcours, avec un (ou une) secrétaire, un commissaire aux concurrents, un chronométreur, des assistants sur le parcours chargés de placer les obstacles et de les remettre en place lors des passages des chiens, et des remplaçants. La deuxième équipe avait en charge la gestion logistique : propreté, parking, surveillance la nuit, stands alimentaires… Puisque nous sommes dans les détails de l’organisation, il faut savoir qu’une telle manifestation repose sur un budget serré, les 20 euros payé par les 436 engagements, une subvention de 1500 euros de la Commission Nationale Education et Activités Cynophiles. Cette CNEAC, une des commissions de la centrale canine,  qui prend en charge tous les frais de jury est présidée par Jean-Claude Métans qui souligne l’importance de cette discipline sportive : « Nous avons 200 races qui pratiquent l’Agility et 11 500 licenciés. Les licences sont éditées par la Centrale Canine et elle est commune à toutes nos activités, Education Canine, Ecole du Chiot, Agility, Attelage, Flyball, Frisbee, Dog Dancing-obérythmée, Chiens Visiteurs, groupe Handi. Notre groupe de travail informatique a fait un travail remarquable en faisant évoluer le logiciel Progesco qui permet à un licencié de s’inscrire aux concours d’agility et d’obérythmée à partir de son ordinateur ; ensuite le président du club valide l’inscription, ou la refuse si le concours est complet. Les clubs transmettent les résultats directement sur le site « sportscanins.fr » qui a reçu en 2015 plus de 6 millions de connections ». Il poursuit : « Je remercie nos amis de la Lorraine pour cette belle organisation. Nous sommes réellement une grande famille. Je remercie aussi la ville de Thionville pour avoir mis à notre disposition ce magnifique stade. Et, on ne peut venir à un championnat sans avoir une pensée amicale pour Jean-Paul Petitdidier qui a lancé l’agility en France et l’a développée ; il a présidé également la commission internationale ».

Le jury de ce championnat a été choisi par la CNEAC et il est placé sous la responsabilité de René Rauwel : « On essaie d’inviter la soixantaine de juges à une finale, nous dit-il. Les parcours de ce championnat étaient sympas. Les juges ont bien fait la différence entre les degrés 2 et 3, et cela semble avoir satisfait les participants. Nous avions fait une réunion le vendredi soir pour faire le point. On demande aux juges le respect des chiens ». Les règles du tracé d’un parcours sont précises, même si un profane peut penser que les obstacles sont positionnés dans un enchevêtrement inextricable ; il y a d’abord une distance minimum entre chacun d’eux et le juge doit respecter la trajectoire du chien ; et comme l’explique Maryannic Jourden « On voit parfois des « out » : le chien ne prend pas la haie de face mais il la contourne pour la prendre dans l’autre sens. Cela peut être dangereux suivant sa position ; le chien peut se blesser. L’animal doit aborder chaque obstacle de façon naturelle. Le règlement donne des principes, mais on doit respecter l’esprit de la discipline. La trajectoire d’un Shetland ne sera pas celle d’un berger belge. Le juge adapte le parcours à la catégorie et au grade ». Ce qui semble avoir été le cas tout au long de ce week-end.

Rappelons quelques règles, pour ceux qui découvriraient l’Agility dans ces lignes :

  • Le championnat de France est réservé aux chiens inscrits à un livre d’origine, français ou étranger,
  • Les chiens sont classés et jugés par taille : catégorie A : moins de 37cm, catégorie b : de 37 à 47cm, catégorie C : plus de 47cm, catégorie D : chiens de grande taille et molosses.
  • Dans chaque catégorie, les chiens sont encore jugés par grade ou degré : 2e degré (déjà un bon niveau) et 3e degré (l’élite de chaque catégorie de taille).
  • Les chiens participent à trois parcours, dont un jumping.

Lors de cette finale, un des obstacles, la table, a été supprimée à cause d’un problème technique sur l’une d’entre elles.

Le deuxième degré

Podium 2e degré Catégorie A
Podium 2e degré Catégorie A

Dans la catégorie A (les plus petits), seulement 23 des 68 équipes engagées terminent les trois parcours sans être éliminées. La victoire revient au Shetland Cerise à Vanessa Simonet qui réalise un sans-faute sur les trois parcours, avec un temps de 126″. Cerise est respectivement 3e, 9e et 4e sur les trois parcours. Elle devance Edelweiss, le Shetland à Serge Blstyak qui fait un temps de 126″, avec 1 faute. Le troisième est un Caniche, D’jerk Mister à Daniel Dimont, en 132″ et une faute. « Ce Caniche pourrait aller plus vite, nous confie son maître, mais c’est moi qui n’ai pas les bonnes jambes ! Il est plus rapide avec mes petits-enfants ». La Shetland Fizzy Blonde à Ilse Sender est quatrième, mais elle rate la deuxième manche en se classant 26e. Le Border terrier Sub Terram est sixième avec le meilleur temps sur les trois manches (124″, mais 3 fautes). Sa maîtresse Nathalie Evrard nous explique qu’elle était « troisième à l’issue des deux manches, mais j’ai fait deux petites fautes à la troisième. C’est une race super, un chien de famille. C’est un gros chien dans un petit chien ».

Dans cette catégorie, on note la dixième place du Cavalier King Charles à France Clauss, la douzième place du Cairn terrier à Marie-Aude Tison, la seizième place du Schipperke à Vincent Leriche. Signalons également la victoire dans la première manche du Shetland à Melissa Bailly.

Podium 2e degré Catégorie B
Podium 2e degré Catégorie B

Dans la catégorie B, 25 chiens sont éliminés sur 50 engagés. La victoire est pour le Jack Russell terrier Affixe à Karine Dautreppe en 127″, grâce à sa victoire lors de la troisième manche. Cette conductrice nous confie : « Je voulais garder ma deuxième place, et je suis championne. Si le premier n’avait pas fait une faute au 3e parcours, je restais deuxième. C’est mon troisième chien après un Labrador et un Border. Il est exceptionnel ; il a de la vitesse. J’ai eu du mal à le monter, car c’est un terrier, mais il me convient bien. Nous nous comprenons facilement. Il a fait trois sans-fautes, condition pour être champion de France, même si j’avais 1,5 secondes de dépassement de temps. L’an dernier, il a fait troisième au championnat et au Grand Prix ». Il devance le Chien d’eau espagnol Ikita de Benamaina à Catherine Ribot (129″) et le Shetland Cookie Blue à Marina Clochard (127″, mais 2 fautes).

La première manche est remportée par Elwind Blue à David Rachet qui termine au cumul à l’onzième place. La seconde manche revient au Berger des Pyrénées Ippie à Sabrina Vasse. L’épagneul breton à Edwige Weber est huitième au général. On note la présence des races Schappendoes, Bedlington terrier, Chien finnois de Laponie, Kooikerhondje, Beagle, Chien nu du Pérou. Aanda Frison, la propriétaire de cette dernière race, , déclare que « ce n’est pas une race spécialement adaptée à l’agility, mais elle mérite d’être connue. J’ai écrasé mon chien, entre guillemet, et je suis éliminée. Mais je suis satisfaite du travail.  J’aime les races particulières ; j’ai eu un terrier brésilien, un beagle. Avec du travail et de l’amour, on y arrive ». En Agility, les motivations sont très diverses, mais toutes sont aussi honorables.

Podium 2e degré  Catégorie C
Podium 2e degré Catégorie C

Dans la catégorie C, toujours en 2e degré, c’est un Berger belge qui l’emporte : Ginka à Stéphane Trouillet en 127″ et 1 faute ; lors des manches, il se classe respectivement 28e, 12e et 4e. Ce concurrent ne souhaite pas monter au 3e degré, car son chien « est très sensible et quand on lui demande trop, il cale » ; mais il envisage de le faire avec un autre chien. A suivre, donc. Il précède le Border Collie Enfin à Max Goujon (119″ mais 2 fautes) ; ce conducteur était très satisfait de ses parcours, malgré deux fautes : « Cette chienne est très rapide. J’ai 60 ans et elle m’entretient ». Le Bearded Collie Be Happy à Cécile Leriche est troisième, réalisant une belle troisième manche, se classant 2e après une 46e place au jumping.

Dans cette catégorie, c’est une hécatombe d’éliminés : 69 sur 97 concurrents.  Lors du 2e Agility, la haie n°7 a éliminé nombre de concurrents, ainsi qu’un tunnel dont l’ouverture est placée à côté de la montée en passerelle.

Les trois manches ont été remportées respectivement par Hook à Astrid Bougouin et les Border collies à Stéphane Perrault et Serge Lemoine.

Muriel Tirbois était huitième à l’issue des deux manches, « mais sur le dernier parcours, c’est un peu plus stressant car tout le monde regarde. D’où la catastrophe. Ma chienne a 10 ans et je l’arrête ». Sa fille Valentine a remporté le championnat de France des jeunes conducteurs et les membres de son club du sud-ouest vont encourager l’équipe de France lors des prochains championnats du Monde  en Espagne.

Podium 2e degré Catégorie D
Podium 2e degré Catégorie D

Dans la catégorie D, l’Eurasier Grennie Delrano à Aline Le Lec devance sept équipes. « C’est mon deuxième Eurasier, nous dit-il, un vrai chien de famille. Ce n’est pas vraiment un chien de travail, mais il aime faire plaisir. Cette chienne aime beaucoup les tunnels et je suis obligé de me placer différemment, car elle les cherche ; je change ma conduite pour masquer les tunnels. J’ai aussi un Shetland en catégorie 3 qui va très vite, mais il a été éliminé au premier tour. Cette Eurasier est aussi conduite par mon fils ». Le podium est complété par un autre Eurasier : Benji à José Beaurain et un Dogue argentin Hyouna à Severine Dijoux.

Un Griffon nivernais a fait des parcours à son rythme, tranquille : Gioco à Teresa d’Agostino qui indique : « Je le fais chasser avec l’autorisation des agriculteurs car je n’ai pas le permis de chasse. Il poursuit le gibier. J’aime cette race et j’ai eu d’autres chiens de chasse ».

Le troisième degré

Même dans ce grade qui rassemble l’élite de la discipline, on note d’importants écarts de temps entre le chien qui va vite, mais est souvent freiné, voire arrêté sur certains obstacles et celui qui passe chaque difficulté à la limite de la rupture, qui coupe au plus court, mais toujours sous le contrôle du maître. Parfois la non-élimination tient du miracle, tant le chien hésite entre deux obstacles et le maître semble débordé par la vitesse de son chien. Si le chien termine son parcours relativement peu marqué, les conducteurs sont à bout de souffle, même les plus sportifs ; parfois ils quittent l’arène en boitant.  

On peut aussi parler du slalom qui semble adapté aux chiens de taille moyenne, ceux qui le passent par des bonds successifs en poussant de l’arrière, pattes jointes. Certains petits chiens slaloment à la course ; les grands chiens en C comme certains Malinois n’arrivent pas à cadencer entre les poteaux par de petits sauts rapides antérieurs-postérieurs.

Le jumping 3e degré du dimanche, mis en place par le juge Brice Houareau est un modèle de vice : dès le départ, le chien lancé devait contourner totalement la haie 3 placée face à lui ; ceux qui ont réussi ont quasiment bloqué au sol le chien en plein élan et lui ont fait contourner cette haie presqu’au pas.

Podium 3e degré Catégorie A
Podium 3e degré Catégorie A

En catégorie A, 17 chiens sur 46 ne sont pas éliminés. Le Caniche nain Dread à Eric Canchy gagne en 110″, cela pour la deuxième année consécutive. Ils remportent deux manches sur trois, un véritable exploit. Son maître rend hommage à son épouse qui a dressé ce chien, mais tombée enceinte, elle n’a pu le conduire ; il a donc pris le relai. Et il s’est pris au jeu, d’autant que jouant au rugby, il avait une bonne condition physique. « Ce n’est pas facile de mémoriser le parcours. Je mange du poisson pour cela. », dit-il en souriant.  « Sur le parcours, je repère un petit « sas d’oxygène » afin de me poser, puis je repars pour redonner du peps à la chienne. Avec elle, je veux toujours être devant pour qu’elle ne réfléchisse pas ; physiquement cela demande beaucoup plus, mais elle me fait confiance et se donne à fond ; elle adore. Si je lui montre bien, elle ne fait jamais de faute. Si elle manque, c’est que j’ai fait une faute ou que ma femme lui a mal appris ! » Est-ce qu’il lui parle sur le parcours ? « La parole rassure le maître, mais c’est surtout le geste et l’attitude qui guident le chien ; un coup d’épaule, un petit écart. On se connait par cœur ». Notre homme est bien sûr membre de l’équipe de France : « Je sens que nous avons une très forte équipe, cette année ».

Le deuxième est Magique Dune Kawaii qui se classe 6e, 3e et 3e sur les trois manches, en 113″. Maxime Parraud réalise trois sans-fautes avec cette toute petite Shetland de moins de 32cm qui frôle les haies à grande vitesse. Mais « grâce à sa taille elle est très rapide sur les tournants et je ne l’arrête pas sur les zones, ce qui nous permet de faire de bon chronos », avoue son maître. Là encore, c’est une femme qui est l’artisan de ce succès, une amie du conducteur qui lui a appris très jeune tous les obstacles et les combinaisons. « On travaille aussi le relationnel ; elle est très proche de moi et me fait confiance. Si je ne fais pas d’erreur sur le parcours, elle passe. Mais on n’est jamais sûr de ne pas faire tomber une barre ». Mais même sans-faute, le risque est la perte de temps qui permet aux autres de passer devant, avec un chien encore plus rapide.

La troisième place est pour le Shetland Engy Petit Prince à Agnès Berthe en 122″.

La première manche est remportée par le Shetland à Jean Dias. Saluons le Pinscher nain E’little Sushi avec Nathalie Anstett qui se classent sixième et qui étaient dans les vainqueurs possibles après deux manches, mais la chienne a sauté avant une zone de descente et a perdu 5 points. Sa maîtresse qui a possédé un Rottweiler avoue que cette chienne est têtue, mais très affectueuse. « Je l’ai éduquée au jeu et à la nourriture. Je la conduis à distance, selon les combinaisons. Le plus difficile sur une finale est le mental. Une année, elle a été sélectionnée en équipe de France, mais nous ne sommes pas allés aux championnats du monde en Afrique du Sud, à cause des difficultés pour s’y rendre. Mais elle a été deux fois finaliste aux championnats d’Europe ».

Il y avait aussi un Coton de Tuléar à Sandra Roessel, deux Staffies.

Maryline Raby est sélectionnée en équipe de France, cette année, avec son Border Collie, Cleverneelhabymyside. Son Jack Russell terrier, Have a Dream, 10e à l’issue de la première manche, a été  éliminé sur le Jumping. Elle explique la raison : « Je me suis trompée à la haie 1. Lors de la reconnaissance, j’avais prévu de mettre le chien à droite, après le pneu. Mais elle a pris la mauvaise haie, car je ne lui ai pas indiqué correctement, je reconnais ma faute. J’ai manqué de présence d’esprit, entraînée par mon élan. On prévoit lors de la reconnaissance, mais parfois le chien n’arrive pas sur l’obstacle comme on l’avait prévu, et cela perturbe la dynamique ». Une expérience qui pourra servir lors de la prochaine compétition internationale, souhaitons-le.

Podium 3e degré Catégorie B
Podium 3e degré Catégorie B

Dans la catégorie B, le vainqueur est Effet Tayola à Jessica Flouret en 108 secondes. Ce Shetland très régulier fait trois fois deuxième lors des trois manches. Il précède le Berger des Pyrénées Fly à Solenn Avril (116″) et le Shetland Griotte à Geneviève Nove-Josserand (117″). 21 chiens sur 37 terminent les trois parcours sans être éliminés.

Les trois manches sont remportées par le Shetland Gallway Link à Alexandra Caclin, le Kelpie Alice à Nathalie Muller et le Mudi Minta à Mickaël Renaud. Ce dernier a acquis son chien en Hongrie : « J’étais champion jusqu’à la fin, et on s’est raté sur la dernière manche ; mais j’ai des amis qui ont fait de très beaux parcours et je suis content pour eux. Cette race originale est très proche de son maître. Je n’ai jamais besoin de l’attacher, le lien est très fort. Elle n’a que trois ans et on a déjà fait une finale l’année dernière, au Golden 3 où elle termine deuxième. On a encore quelques bonnes années ! ».  A la question sur l’équipe de France, il répond : « Les places sont très chères, car nous avons de la qualité dans la catégorie, avec les shetlands, les bergers de Pyrénées ».

Dans cette catégorie, nous avions aussi des représentants des races : Nizinny, Bouvier d’Entelbuch, Schappendoes.

Podium 3e degré Catégorie C
Podium 3e degré Catégorie C

La catégorie C est remportée par le Border collie Gumbal à Adrien Grespier avec 112″ et 1 faute. Il gagne la 1ère manche et prend un refus la manche suivante, passant en cinquième position. Lors de dernier passage, les deux chiens encore sans-faute font une faute et lui laissent le titre. Gimbal est champion du monde par équipe en 2014 et troisième en 2015. « C’est mon cinquième chien, nous dit A. Grespier. J’ai commencé l’Agility à l’âge de 11 ans, j’en ai 31. Ce chien est très fiable, même à grande vitesse. J’arrive à le devancer, grâce à une bonne condition physique. Sur de grandes lignes droites comme aujourd’hui, il s’autogère, il attend un peu son maître. Je le conduis aux gestes, aux épaules. Il connait aussi le nom des obstacles. On s’entraîne deux à trois fois par semaine. Il a plu lors du passage des finalistes, mais cela ne nous a pas gênés. Il a un peu glissé dans le tunnel et sur la ligne droite ».

Le Border Dana à Christine Reynard est second avec 120″. Sa maîtresse a trouvé que le dernier parcours « comprenait des pièges, mais c’est un championnat. Il est technique et il faut courir vite. Je conduis souvent ma chienne à la parole, car elle est très obéissante ». Le troisième sur le podium est le Kelpie Most Wanted Dinkey à Mickael Charbonnier qui estime avoir un « chien extrêmement attentif, toujours prêt à travailler ». La deuxième manche est remportée par le Border Haston appartenant à Christophe Dalmat qui est au sommet de la discipline depuis des années Son chien réalise 6,03 mètres par second. Il avoue avoir mal conduit lors de la 3e manche: « Je n’ai pas fait ce que j’avais prévu. Sur le 14, je devais couper plus court. Sur le retour, je lui fais confiance et elle a été bonne. J’ai travaillé en catégorie Small, mais là, le travail est différent en conduite ». Ce concurrent sait préparer les grands événements : « Je fais du fractionné et je travaille le chien en explosivité ».

La troisième manche est remportée par le Border Hyankee à Christelle. Dès le premiers parcours, cette équipe a été éliminée. Ça passe ou ça casse. C’est la condition pour être championne du monde, titre qu’elle a déjà remporté. Dans cette catégorie C, seulement 16 équipes sur les 77 engagées ont évité l’élimination.

Podium 3e degré Catégorie D
Podium 3e degré Catégorie D

La catégorie D n’attire pas pléthore de concurrents, seulement trois. La victoire revient au Fila de San Miguel Fasta Lavista appartenant à Elody Briand. Sophia Tuis, conductrice du chien classé second, le Dogue argentin Hot-Shot Chiara Fabana, a commencé avec des Border avant de recevoir ce chien, un cadeau de ses parents. Elle fait du maraichage dans une ferme à côté de Nice et elle voulait un gros chien de protection en complément des Border qui conduisent ses moutons. « Ce n’est pas un chien sportif. En D, on a des chiens qui ont été renforcés positivement pour obtenir un chien d’agility. Il faut de la patience et beaucoup de jeu. Cette Dogue se conduit comme tous les grands chiens : il faut arrondir les trajectoires au maximum, et toujours être dans la relance. Je dois toujours courir pour l’aider et c’est plus sportif qu’avec un Border. Je suis obligée de lui présenter chaque obstacle et je lui parle. C’est extrêmement fatiguant de stimuler un chien. Avec le Border, je donne l’information et je cours. Le molosse, je le motive dans un premier temps et quand le diesel est démarré, je le dirige et je le rattrape à chaque obstacle ». Encore une raison de pratiquer l’agility pour ces conductrices, se lancer des défis à la frontière de l’irréalisable. Et ce n’est pas un hasard si on compte dix femmes pour un homme dans les catégories D de ce championnat : le molosse a un grand cœur, et il demande beaucoup de patience.

Champions classe Handi
Champions classe Handi

L’épreuve Handi a attiré 11 concurrentes qui présentaient une variété de races dans les quatre catégories du grade 2 : Shetland, Brabançon, Border Collie, berger australien, Leonberg. Pour Marie Marquise qui a perdu son mari voilà deux ans, « ce Shetland est un compagnon extraordinaire, c’est une aide morale dans ma vie, ma joie de vivre. C’était difficile, avec un parcours très long. En Agility, nous nous entraînons en Ile-de-France. Je passe le parcours avec des cannes. Le fauteuil me sert à la récupération ». Il y a vingt ans, Patricia a eu la jambe broyée et, elle aussi, a trouvé dans l’Agility un réconfort et un moyen de se surpasser : « Je conduis ma chienne à distance ; elle est très obéissante et réalise des sans-fautes ». Ce jour, elle a effectué son parcours en 51 secondes avec un sans-faute.

Ce 27e championnat de France avait commencé par le défilé des provinces accompagné par des commentaires historiques sur chacune d’elles. Il se termine par une danse improvisée des juges et des officiels, sur un air de « à la queue leu-leu », lors de la remise des prix.

L’Agility, un sport sérieux pratiqué par des chiens bien éduqués et des personnes qui aiment s’amuser.

Serge Sanchès


L’avis des juges

Béatrice Betbeder : « Le week-end s’est très bien passé. J’ai tracé des parcours qui favorisent la réussite de tous les chiens. J’avais une très bonne équipe de terrain. J’ai jugé les A, B en 3e degré et 2e degré ;  le 2e degré manche 3 et la classe Handi. La difficulté du juge est de rester attentif et quand il trace un parcours, il doit faire attention aux trajectoires des chiens. On est là pour qu’ils s’amusent. Il faut éviter les demi-tours.

La longueur du parcours entre les catégories 2 et 3 ne joue pas. Seules les difficultés font la différence. J’ai été étonnée par une dame en fauteuil roulant avec un léonberg en classe Handi ; tous deux avaient une complicité phénoménale. J’ai aussi vu un border en catégorie C, 2e degré qui travaillait avec une souplesse étonnante. La conduite de la maîtresse était très fluide. Le juge placé au milieu du terrain voit beaucoup de choses que ne voient pas les spectateurs ».

Brice Houareau : « Je viens de la Réunion. Le championnat s’est très bien passé. L’organisation était parfaite et les concurrents ont accepté les jugements. J’ai apprécié la bonne ambiance. Le niveau est très bon. J’ai jugé le 2e degré catégorie C. J’ai eu 38 % d’éliminés. J’ai jugé le jumping 3e degré en catégorie C. Là, le taux d’élimination était plus important. En jumping, on a plus d’appels, le chien doit partir plus vite ; la conduite est très importante. Enfin j’ai jugé le 3e degré A, B, D en agility. Je suis pratiquant de la discipline et juge depuis 14 ans. A la Réunion, nous avons une cinquantaine d’agilitistes, dans 7 clubs ».

Jacky Blanc : « Ce fut un week-end formidable, avec de bons concurrents et une bonne organisation. J’ai  eu le 1er jour les catégories A, B, D, 2e degré. Je dois avoir 45 % d’éliminés. La difficulté principale était l’oxer, 2 haies collées avec peu d’espace entre elles, et les chiens doivent  faire un gros effort pour les franchir. J’ai jugé un jumping 2e degré pour la catégorie C. J’avais mis 2 tunnels face à face et certains chiens ne freinaient pas suffisamment et rentraient dans le tunnel où ils ne devaient pas aller. C’était un petit piège. Dimanche, j’ai fait la 3e manche en catégorie C, 3e degré. C’était de très bon niveau, avec peu d’éliminés. J’ai été marqué par la sympathie des organisateurs et des bénévoles. Même là, c’était du haut niveau ».

Dominique Favre : « La pelouse est un vrai billard. On avait un très bon niveau. J’ai jugé le 3e degré en C. Le parcours a fait une forte sélection avec 63 % d’éliminés. C’est un peu plus que la norme. Il faut que le champion de France mérite son titre. Il fallait une conduite très technique et la moindre erreur de placement faisait partir à la faute. Sur les 22 obstacles des 200 mètres du parcours, il y avait pratiquement une difficulté technique sur chacun. Ceux qui avaient de la technique, notamment les membres de l’équipe de France, étaient présents. J’ai jugé la première manche des catégories A, B et D du 3e degré avec un parcours plus fluide. J’ai eu 20 % d’échec. Le dimanche, j’ai jugé la manche 3 des catégories A, B, D en 2e degré. J’ai eu beaucoup d’erreurs sur les 10 derniers chiens, à cause de la pression. On joue pour le titre de champion de France. Une barre, une faute de zone font vite descendre au classement. Nous étions quatre juges et nous nous sommes réunis pour harmoniser nos parcours, pour éviter les grosses différences. Cela permet de corriger des positions trop compliquées. L’avis des collègues permet d’éviter les éventuelles configurations dangereuses ».


Maryannic  Jourden :

« En Agility, le chien ne suffit pas : il faut un pilote »

« Je suis juge depuis 23 ans après avoir été concurrente d’Agility à partir de 1987. Je suis responsable de groupe du travail Agility depuis environ deux ans. C’est un travail d’équipe au plus près des besoins et des désirs des agilitistes, ce qui est très compliqué. Il y a une grande diversité de races et d’aspirations. Certaines personnes pratiquent l’Agility comme un loisir tout en faisant des concours, et d’autres veulent se dépasser. Il y a aussi une question d’âge. L’Agility demande de l’adresse mais aussi de la rapidité. Au championnat du monde, les chiens atteignent des vitesses faramineuses. Au niveau international, on voit arriver des vrais sportifs.

Dans « Agility 2017 », nous allons mettre en place un système de grade afin que chaque personne trouve sa place. Dans les épreuves ouvertes à tous, les niveaux sont très différents et certains concurrents sont frustrés. Le championnat de France ne va pas changer avec le grade 2, et le grade 3 qui est le vivier de l’équipe de France.  Le Grand Prix de France proposait des épreuves ouvertes à tous. Maintenant il y aura aussi deux grades. Sur le plan international, on voit de plus en plus de Border collies et de Shetlands. En France, nous avons une variété de races importante et il faut la garder.  On veut conserver un bon niveau tout en préservant nos races françaises comme le Berger des Pyrénées, les Papillons. Même au championnat on voit des Huskies, des Golden Retrievers et d’autres races. Dans beaucoup de pays, l’Agility est considéré comme une compétition réservée à un type de chien, mais ils ont moins de licenciés. Avant tout, on prend un chien pour vivre avec lui, et on doit choisir une race qui plaît. En Agility, le chien ne suffit pas ; il faut le pilote.  Nous avons une très bonne ambiance, les concurrents se félicitent entre eux. L’Agility reste un sport familial ».